vendredi 12 juin 2015

De la feuille à la feuille, histoire de feuilles

                          Naissance en forêt du papier
Feuille blanche. Qu'y a-t-il de plus beau que la page blanche, vierge, recevant peu à peu le crayon ou le pinceau de l'artiste, les vers  du poète ou l'inspiration de l'écrivain ? Mais d'où viennent ces feuilles ? de l'arbre naturellement... lui aussi couvert de feuilles.
 
Feuille, source de vie. L'arbre est habillé de feuilles vertes, petits laboratoires d'alchimiste, transformant sous l'impulsion du soleil, l'eau et le carbone de l'air, l'épurant aussi. Les sucres créés donnent la matière noble, naturelle, le bois. Il se dépose en un cerne concentrique sous l'écorce, cette feuille de bois là, cylindrique, n'est pas récupérable, ni pour le papier, ni pour les meubles ou les charpentes !
Grume "sur feuilles"
Feuille-âge... de l'arbre. Ces feuilles tombent à l'automne dans un éblouissement de couleurs, préparant l'humus nourricier de la forêt. À chaque saison l'arbre prend ainsi une feuille ; quel âge as-tu ?  j'ai ma troisième feuille...
Feuille ou... billet à ordre ? La forêt est un placement à terme, car la couche annuelle de bois qui a poussé sous l'écorce ne peut à l'évidence être prélevée. En économie forestière la "feuille" est l'accroissement annuel d'un arbre ou d'une parcelle, espoir d'une récolte future, différée comme un billet à ordre... ou comme un plan d'épargne. Cette "feuille" de l'année, augmentée des précédentes et de leurs intérêts cumulés, sera alors récupérable, récoltable à terme, à la coupe programmée... Mais ne jamais récolter plus que la possibilité annuelle, c'est la base du développement "soutenable", labellisé PEFC ou FSC, pour faire le papier ou le bois de France et du monde entier.
Vente sur feuilles. Arrive le terme de sa vie et la cognée du bûcheron, l'arbre est mis à bas, et là, "sur feuilles", celles de l'automne, lit où repose la grume, acheteur et vendeur négocient à son pied comme les maquignons à la foire aux bestiaux. Quand la vente ne se fait pas sur feuilles, elle se fait... plus souvent en salle ou par écrit.
Feuilles de placage. Les plus belles grumes de bois précieux sont tranchées ou déroulées, et transformées en fines feuille de bois, les feuilles de placage. Ces dernières n'ont cependant, rien à voir avec le papier, à l'exception de leur finesse d'1/10ème de millimètre, idéale par leur légèreté pour le contreplaqué aviation.
Et retour à la feuille de papier. Le bois provenant de ces "feuilles" de bois ou cernes, broyés, nous livrent la pâte, donnant ainsi des milliers de feuilles de papier, base de notre communication, de notre histoire et de notre art,  bref de notre culture papier. Les "bonnes feuilles" seront toujours conservées par le lecteur... et pendant des siècles dans nos livres anciens.
Jean-Marie Ballu         avec un clin d'œil à l'Association "Culture Papier".